Au lieu d'une approche figurative, l'artiste anversois Mekhitar Garabedian a choisi de répondre à cette question par une sculpture semi-abstraite. Les volumes empilés sur le socle en pierre classique sont des moulages de balles compressées de vêtements de seconde main et font référence au caractère sériel et modulaire du Minimal Art. Pendant son enfance, ces balles étaient une vision très familière pour Garabedian, car son père dirigeait un commerce international d'exportation de vêtements d'occasion. Son grand-père côté paternel a été toute sa vie un marchand de haillons à Alep, en Syrie. Fondée sur cette histoire familiale, cette nouvelle sculpture peut être comprise comme une ode aux ancêtres de l'artiste et au travail qu'ils ont accompli pour subvenir aux besoins de leur famille, ainsi que comme une ode aux haillons, que l'Occident exporte en raison de leur faible valeur marchande.
L'industrie du textile de seconde main est un marché très particulier, qui témoigne de changements majeurs dans la production, la consommation et le commerce des biens au niveau mondial sur une période de trois générations seulement. Alors que les vêtements de seconde main en provenance des pays occidentaux constituaient autrefois une source de vêtements abordable (et écologique) pour les pays dits en développement, la production textile extrêmement bon marché d'aujourd'hui a rendu plus cher même les vêtements de seconde main.
Cela fait longtemps que l’artiste est fasciné par ces balles de vêtements, qu'il considère à la fois comme de simples objets, comme une sculpture et comme une architecture. Garabedian dispose d'archives très complètes dans lesquelles il documente les différentes configurations des balles.
Les volumes visuellement sobres ou mystérieux de ces nouvelles œuvres contiennent non seulement le souvenir de vêtements portés autrefois par des personnes comme vous et moi, mais aussi la mémoire d'une autre époque, avant que le consumérisme effréné et les marchés mondiaux agressifs ne deviennent la norme.
Avec cette œuvre, Garabedian détourne l'usage traditionnel du piédestal : les « grands hommes » et les histoires glorifiées sont élevés au-dessus des masses. Mais ici, le piédestal supporte une pile d'objets banals d'apparence plutôt instable.
À propos de Mekhitar Garabedian
Mekhitar Garabedian est un artiste visuel né en 1977 à Alep, en Syrie. Utilisant une variété de médias, tels que le dessin, la vidéo, la photographie et les installations, de nombreuses œuvres de Garabedian s'inspirent de son expérience d'immigré. Dans son travail, Garabedian utilise l'humour et les qualités poétiques qu'il puise dans les langues, les cultures et les histoires. Tout comme son histoire diasporique personnelle est stratifiée, son travail fait écho à une multitude de références à la littérature, à la musique, à la philosophie et aux arts visuels.
Garabedian est également chercheur postdoctoral et chargé de cours à la KASK/School of Arts.
Informations pratiques
- À découvrir du 26 mai 2022 au 23 avril 2023
- Lieu : Stadspark (près de l'aire de jeux), Rubenslei, 2018 Anvers